Une étrange découverte

pipelette pétillante Nombre de messages : 2249 Date d'inscription : 13/03/2007

De longs cheveux blonds portés en une tresse épaisse tombant sur l'épaule droite, des yeux noisette où pétillent malice et joie de vivre, une taille ni trop haute ni trop petite, et une silhouette gracieuse. Voilà à quoi ressemblait la douce Judith, fille de XXXX, le "boucher" du coin.
De nature timide et généreux, la jeune fille était connue pour son bon coeur. Toujours prête à aider autrui, elle était le contraire de son vieux père, avec qui elle partageait une petit chaumière non loin de la forêt. Sa mère ayant décédé des suites d'une grave maladie il y avait de cela plusieurs années, Judith devait tout mettre en œuvre pour ramener quelques écus en plus de ceux que son père gagnait. Elle s'occupait souvent de nettoyer l'église, le curé du coin lui offrait quelques pièces contre ses services de nettoyage, et elle passait le reste de son temps à proposer son aide aux paysans pour travailler dans les champs.

Eh oui, ils n'étaient pas riches. L'on pouvait même dire qu'ils étaient pauvres. Voilà pourquoi, un jour alors qu'elle avait proposé d'aider à promulguer quelques soins après une bataille sanglante, le père eut l'idée qui répugnait Judith au plus haut point. Détrousser les cadavres. Les charognards qu'on les appelait dans la région. Ces gens près à mettre leur honneur de côté pour délester quelques cadavres de leurs biens.

Parfois il rentrait la mine grise, parfois c'était le grand sourire aux lèvres, déposant sur la table quantité d'objets qui leur permettrait de vivre pendant au moins une semaine sans mourir de faim.

Voilà comment était la vie de Judith.

Judith qui, à présent, se tenait dans la charrette, main en visière au-dessus des yeux, se protégeant du lourd soleil d'été. Elle avait tenu à accompagner son père sur le lieu de son... "travail", le vieil homme étant tombé malade quelques jours plus tôt. Il manquait de forces, et si la guérison était en bonne voie, il arrivait quand même des moments où il ne tenait plus beaucoup sur ses jambes.
Et justement, la jeune fille le vit tomber sur les genoux, l'air exténué. Elle se pressa de quitter la charrette pour aller auprès de lui.

Je te l'avais dit papa, nous aurions du rester à la maison. Tu es encore bien trop faible...

Mais le père se contenta de grommeler un non et se releva, aidé de sa fille, et poursuivit sa besogne.
Judith quant à elle ne pouvait s'y résoudre. Voler les morts, c'était au-dessus de ses moyens. Alors au contraire, elle récitait une petite prière pour chacun, s'abaissant pour fermer les yeux, ou essayant de nettoyer quelques plaies pour que chaque homme ou femme qu'elle croisait puisse se diriger vers le Très Haut le plus dignement possible.

Et lorsqu'elle arriva auprès d'un homme blond, assez jeune, elle fut surprise de sentir sous la paume de sa main posée sur le torse, un léger mouvement de respiration. La jeune fille se pencha pour poser son oreille à l'emplacement du cœur, faisant fi du sang séché, et perçut un très léger battement. Ces heures passées à soigner ou du moins apaiser les mourants lui avaient permis de reconnaître quelques signes vitaux. Et elle en était certaine, cet homme était toujours en vie.

Papa!! Viens vite, nous avons un survivant ici!

Elle espérait que son père n'aurait rien contre le fait de donner quelques soins d'urgence à un blessé.

pipelette pétillante Nombre de messages : 2249 Date d'inscription : 13/03/2007

- Ma fille tu viens de donner une idée à ton vieux père. Vas vite préparer la carriole et va chercher ton cousin Alfonse, je vais avoir besoin de lui, fit le vieux boucher en se frottant les mains d’excitation. S’il est vrai que sa fille était la douceur et la gentille incarnée, lui au contraire était d’un naturel fourbe et les basses besognes ne l’effrayaient guère du moment qu’elles pouvaient lui rapporter la fortune qu’il avait passé sa chienne de vie à convoiter.
Devenu trop faible et trop vieux, c’est avec amertume qu’il avait du renoncer à se faire brigand de grand chemin mais la vie fort heureusement offrait un certain nombre de chemins détournés à qui voulaient bien les emprunter. C’est ainsi que le vieux boucher, depuis quelques années déjà, avait décidé d’arrondir ses fins de mois par quelques menus travaux des plus discutables sur le plan étique. Sujet d’éternelles disputes entre lui et sa progéniture, le bougre ne cessait de rouspéter. Ah si seulement il avait eu un fils ! Mais l’heure n’était pas aux regrets, il fallait faire vite avant que les canailles qui rodaient dans le coin ne lui vole son trésor comme se fut le cas le mois dernier. Sortant alors dans la cour il appela sa très chère fille lui ordonnant de s’activer un peu.

- Papa, laisse moi venir avec toi je t’en pris. Tu es encore faible je pourrais t’être utile…

Dodelinant de la tête le vieux se mit à grommeler de nouveau. Ce genre de travail n’était pas pour les femmes, encore moins pour sa fille. Non ma fille tu ne viendras pas !...

[Quelques temps plus tard sur la carriole]

C’est pourtant sur la carriole de son père qu’on pu retrouver Judith aux abords du champ de bataille, la main en visière, scrutant les alentours. Ne voulant pas l’avoir dans les pattes, le vieux malade lui avait ordonné de surveiller l’attelage pendant qu’il allait glaner de ci, de là, ce qui leur permettrait de se mettre à l’abri du besoin pour quelques jours au moins. Appuyé sur une canne, il se penchait, chiper, grommelait, passant de dépouilles en dépouilles. Par chance, la récolte était plutôt bonne, il ignorait d’où venaient ces canailles qui avaient tenté de renverser le comté mais elles étaient bien équipées et cela faisait ses affaires. Sourire mauvais aux lèvres, il se voyait déjà tout revendre mais une quinte de toux vint bientôt brouiller ses rêves et faire trembler ses jambes le faisant vaciller.

- Je te l'avais dit papa, nous aurions du rester à la maison. Tu es encore bien trop faible...

- Cesse de répéter de telles bêtises et aide moi à me relever.. Se contenta de rétorquer le vieil homme en grommelant une nouvelle fois. Aide-moi plutôt puisque tu es là…. Vas voir par là bas !

Lâchant le bras de sa fille, le bougre se remis alors au « travail », volant les morts sans aucune vergogne pour son propre profit. Les temps étaient dure et l’heure n’étaient pas aux sentiments, sa fille étaient comme toutes les femmes bien trop sensibles.
Plusieurs minutes passèrent ainsi sans que le vieux, trop occupé à dépouiller les cadavres et remplir son sac de trouvailles ne prête attention à sa fille, jusqu’à ce que la voix de cette dernière ne raisonne de nouveau le faisant sursauter plus que de raison :

- Papa!! Viens vite, nous avons un survivant ici!

Sa première réaction fut de lever les yeux au ciel. Mais pourquoi avait-il accepté qu’elle l’accompagne. Et bien laisse le où il est, il s’ra surement mort avant la nuit et oublies pas de regarder dans les poches, lui lança t-il en guise de réponse. Il allait alors se remettre une nouvelle fois à sa besogne quand sa fille l’interpela de nouveau le faisant soupirer d’exaspération. Hésitant un instant il décida tout de même d’aller jeter un coup d’œil au mort vivant.
Le tableau qu’il découvrit n’avait rien de reluisant. Un gamin, une vingtaine d’années au plus dont les épis de blés étaient maculés de sang et sa jambe droite était encore coincée sous sa monture. Une vilaine entaille avait visiblement lacéré son flan et le vieux se surprit alors à se demander comment ce gosse pouvait encore respirer aux vues de ses blessures. Il allait alors faire volte face et demander à sa fille de passer elle aussi son chemin quand une nouvelle idée lui traversa l’esprit : Si ce gamin vivait, il en retirerait surement un bon prix…
Un nouveau sourire mauvais s’inscrit alors sur ses traits fatigués. Il porta son regard sur sa douce fille, prit un ton mielleux et lui lança : Tu as raison ma douce enfant, nous ne pouvons le laisser la s’il respire encore. Mais comment va-t-on faire pour le dégager, ce ch’val doit bien peser une tonne et je suis bien trop vieux… L’esprit du vieux charognard se mit à tourner à vive allure. Peut-être que la chance allait enfin leur sourire et la richesse frapper à la porte !

pipelette pétillante Nombre de messages : 2249 Date d'inscription : 13/03/2007

La jeune fille attendait que son père arrive, tout en parlant à l'homme blessé, comme si il pouvait l'entendre. Elle lui murmurait des paroles réconfortantes, lui assurait qu'il allait vivre, le suppliait presque de ne pas se laisser porter par la Mort. Que ce n'était pas pour finalement tomber entre les bras de la grande Faucheuse qu'il avait réussi à garder le souffle de vie jusque là.

De temps en temps elle regardait en arrière, espérant que son père ne mettrait pas trop longtemps à arriver. Le pauvre homme était coincé sous le corps de son cheval, et à elle seule elle n'arriverait jamais à le libérer de l'emprise du poids mort. Secrètement elle priait pour que le vieux boucher ne verrait pas trop d'inconvénient à soigner un mourant.

Papa, dépêche toi... suppliait-elle tout en passant sur le visage du blond un morceau de tissu qu'elle venait d'imprégner de l'eau de la gourde qu'elle avait apportée.

Quand enfin le boucher arriva, Judith poussa un petit soupir de soulagement, et porta à son père un regard suppliant.

Soignons-le papa, nous ne pouvons le laisser mourir ainsi. Le Très Haut ne nous le pardonnerait pas, c'est notre devoir.

Le père sembla hésiter, et pendant une seconde elle crut vraiment que le père n'en avait rien à faire de ce que le Seigneur allait penser. Mais contrairement à ce qu'elle croyait, elle vit le vieil homme sourire, du sourire qu'elle lui connaissait si bien, et lui annoncer qu'ils allaient en effet l'aider. La jolie blonde sourit alors à son tour, mais contrairement au père, ce fut une expression véritablement joyeuse qui se peignit sur ses traits. Mais le sourire disparut aussitôt. Le boucher venait de mettre le doigt sur un point qui allait peut-être leur poser problème : comment déloger le blessé du corps de sa monture? Elle avait pensé qu'à eux deux ils y seraient parvenus, mais le vieil homme ne semblait pas de cet avis.
Judith réfléchit pendant plusieurs secondes, ses grands yeux noisette balayant le champs de bataille à la recherche d'une idée. Puis alors qu'elle regardait de nouveau le cheval à terre, ses yeux s'illuminèrent.

Papa, nous avons toujours la corde dans la charrette! Nous pourrions nous aider de notre cheval qui tirerait celui-là.

Et sans attendre de réponse, elle courut à la carriole, pour revenir quelques minutes plus tard, la bride du cheval à la main droite, une corde à la main gauche, dont elle attacha l'une des extrémités rapidement autour de leur propre monture, et l'autre autour du cheval mort.

Allez Hippocrate! Avance maintenant! Papa, tu me dis dès que ce sera bon!

Elle fit le cheval de trait tirer sur la corde, déplaçant petit à petit l'animal mort, qui finit par libérer le jeune homme blond.
Rapidement elle lâcha Hippocrate, et retourna auprès de son père et du mourant.

Alors, dans quel état est-il?

pipelette pétillante Nombre de messages : 2249 Date d'inscription : 13/03/2007

« Oh doucement avec l’ch’val, tu veux l’tuer pour d’bon ou quoi! » Grommela le vieil homme tandis que sa fille tirait sur les rennes pour faire avancer l’animal libérant ainsi le blessé. Ceci fait le vieux regarda le gamin étendu à ses pieds puis sa fille qui déjà descendait de la charrette pour venir s’enquérir de l’état de leur trouvaille.

« Alors, dans quel état est-il? »

« Pas bon… ce n’est pas bon … pas bon… » Répéta le père, une main dans sa barbe et les yeux de nouveau fixé sur le gamin. Réfléchissait-il a un moyen de le sauvait ou à la récompense qui allait lui filer entre les doigts sur le p’tit clamsait ? Nul n’aurait pu le dire, pas même lui peut-être. « Aide-moi, on va l’mettre dans la charrette et fait attention à sa tête, y une vilaine blessure, l’a du s’prendre un de ces cailloux en tombant » se contenta-t-il de répondre butant dans un des cailloux à ses pieds pour illustrer son propos.

L’un aux pieds, l’autre aux épaules, le père et la fille attrapèrent Armand et le soulevèrent tant bien que mal. C’est qu’il pesait son poids le gaillard et cet exercice n’était plus vraiment de l’âge du vieux lodévois qui maugréa tant que possible. « Monte y la première dans la charrette et tu l’hisse vers toi, compris ? » ordonna-t-il à sa fille lorsqu’enfin ils arrivèrent à la charrette après un brancardage plus que sommaire. Le jeunette s’exécuta autant que l’encombrant corps le lui permettait sous les conseils fort peu amènes de son père. « Aller bon sang tire le vers toi ! » fit-il voyant sa fille s’échiner à tirer le blessé dans la charrette sans grand succès. Le vieux avait visiblement envie d’en finir au plus vite.

Armand enfin dans la charrette, le vieux pilleur le regarda de nouveau continuant à répéter un sempiternel « pas bon… pas bon du tout. « Mets donc un linge pour éviter qu’il pisse trop l’sang, et cache le sous la bâche. Faudrait pô qu’on nous accuse de l’avoir étripé en plus c’gars là... » ajouta-t-il finalement en se dirigeant vers l’avant du véhicule avant d’y monter et de prendre les rennes. « C’est qu’la maréchaussée va bien mettre bien longtemps à v’nir trainer par ici… » marmonna-t-il de nouveau pour lui-même.

Le vieil homme et sa fille habitait une vieille ferme délabrée à quelques lieux de lodève non loin des lieux de l’affrontement. Aussi, bien que le chemin était des plus chaotiques, faisant bringuebaler tout objet n’étant pas solidement attachés, ils ne mirent pas plus vingtaine de minutes à atteindre leur bâtisse. Et si faire monter Armand dans la charrette s était montré compliqué, l’en faire descendre sans le tuer n’était guère plus aisé. D’ailleurs sans l’arrivée du cousin Alfonse, véritable marmule de son état, probablement que le blond aurait eu le temps de mourir 10 fois avant d’en sortir. L’cousin était certes un véritable benêt mais il avait la carrure d’un bucheron et c’est bien tout ce qu’on lui demandait, surtout son vieil oncle qui n’hésitait jamais à faire appel à lui pour ses basses besognes.

Le gamin enfin mit dans un lit, la jeune pucelle allait enfin pouvoir s’en occuper et ce n’est pas le travail qui allait manquer. Fiévreux, inconscient, ensanglanté et aussi pâle que la mort, il n’y avait pas besoin d’avoir fait médecine pour savoir que le jeune bandit aurait bien du mal à s’en remettre. «Qu’il m’crève pas dans les pattes, c’est tout c’que j’te d’mande » avait simplement ordonné le père avant de quitter la pièce en compagnie du cousin Alfonse.

C’est qu’il y avait encore tout le butin à déballer et à refourguer avant que des curieux de viennent fourrer leur nez dans leurs affaires. La vie d’Armand ne tenait à un fil et ce fil était entre les mains d’une jeune femme dont le père se demandait encore pourquoi il avait écouté sa fille.
Des problèmes… ce blond n’allait leur attirer que des problèmes il en était persuadé… D’ici à ce que ces acolytes viennent pas l’chercher et égorger tout l’monde. Mais l’appât du gain avait été plus fort pour le vieil homme que la raison, il fallait maintenant en assumer les conséquences et espérer que la pucelle fasse des miracles.

pipelette pétillante Nombre de messages : 2249 Date d'inscription : 13/03/2007

Ils n'avaient pas eu beaucoup de difficultés à sortir le blessé de sa prison chevaline, mais la jeunette espérait qu'en faisant ainsi ils n'aient pas provoqué encore plus de dégâts au pauvre malheureux. Sans cesse elle prit le Tout Puissant de sauvegarder cette vie. Elle ne voulait en aucun cas voir une personne qu'elle avait décidé de sauver rendre l'âme avant de lui avoir permis de tenir sa promesse. Eh oui, elle était comme ça, la douce Judith. Généreuse comme personne, voulant toujours aider son prochain, et voyant le bien en tous. Elle trouverait le pire des assassins à terre qu'elle donnerait tout pour le remettre sur pied, quitte à le regretter après. Il était tout simplement impensable pour elle de laisser quelqu'un agoniser, qu'il fasse parti des bons ou des mauvais.

Se rapprochant du corps du blond, elle vérifia la blessure qu'il s'était causée par le caillou, et déchira le bas de son jupon pour en faire un linge dont elle entoura la tête du jeune homme. Et pendant qu'elle commençait les premiers soins, les mots de son père ne cessaient de résonner en elle. "Pas bon, pas bon du tout..."

Papa, faisons de notre mieux, si le Seigneur le veut, il vivra! J'en suis certaine!

Elle aida ensuite le vieux boucher à ramener le blessé dans la charrette, non sans mal. Qu'est-ce qu'un poids mort pouvait peser lourd... Mais ils y parvinrent, réussissant à garder allumée l'étincelle de vie qui empêchait le jeune homme de sombrer à jamais dans l'obscurité.
Et pendant que le vieil homme conduisait l'attelage, Judith restait à l'arrière, la tête du blessé sur les genoux, et continuait sans cesse d'éponger le sang qui coulait. La bâche cachait le maximum du corps, et si ils venaient à croiser quelqu'un, elle n'avait qu'un mouvement à faire pour le couvrir entièrement.

Une fois le trajet terminé, et que le cousin soit venu pour aider à transporter le malheureux dans la grange, seul endroit où ils pouvaient le garder, la maison étant trop petite pour eux trois, Judith ne quittait plus le chevet du blessé, amenant objets soignants et potions d'herbes destinées à la guérison auprès de la paillasse sommaire qui avait été dressé spécialement pour lui.
Dépassant sa timidité, elle avait ôté la chemise du jeune homme pour voir l'étendu des dégâts, et avait pâli devant les nombreux marques qui zébraient le corps. Doucement elle avait alors nettoyé les plaies, les avait désinfectées, et les avait pansées.
Et pendant des journées entières, elle restait à son chevet, attendant qu'il ouvre enfin les yeux.